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Un article de MARIANNE : Balard, l’armée dans sa tour d’ivoire

29 07 2016

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Balard, l’armée dans sa tour d’ivoire

Intéressant article de Thomas Hofnung sur le site de l’hebdomadaire Marianne  (www.marianne.net) - Dimanche 24 Juillet 2016 à 11:00 

Le ministère de la Défense, qui regroupe désormais tous les états-majors militaires, a été transféré dans le quartier de Balard, dans le sud de Paris. Laissant un amer sentiment d’isolement chez les hauts gradés. 

Le nouveau site du ministère de la Défense est surnommé « le Balardgone », en référence au Pentagone américain.

Depuis le périphérique, entre la porte de Sèvres et la porte de Versailles, on aperçoit sa curieuse silhouette coiffée d’un toit en ardoise qui se découpe dans le ciel parisien. Celle d’un avion furtif, selon les concepteurs du bâtiment. Surnommé le « Pentagone à la française », le cœur du siège du ministère de la Défense a en réalité une forme hexagonale. Tout le monde aura compris la métaphore.

Depuis l’an dernier, les armées disposent d’une nouvelle adresse, dans le quartier de Balard. Neuf mille trois cents hommes et femmes ont été rassemblés là, dans le sud de la capitale. Les trois états-majors (Terre, Marine, Air), la Direction générale de l’armement (DGA), les services administratifs y ont été regroupés. Manque toutefois à l’appel une figure de premier plan : le ministre lui-même ! Jean-Yves Le Drian boude le bureau et le logement de fonction qui lui sont réservés à Balard, préférant demeurer au cœur du prestigieux hôtel de Brienne, à deux pas de l’ Assemblée nationale.

« C’est pratique… »

Les politiques, eux, n’ont pas laissé le choix aux galonnés. D’abord par souci de rationalisation, sur un plan financier, mais aussi opérationnel. Jadis, le chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers (le frère de l’autre), passait plusieurs heures par jour dans sa voiture de fonction à faire la tournée des popotes. Les différents états-majors étaient disséminés dans la capitale. Aujourd’hui, tout le monde est logé à la même adresse, et à la même enseigne.

AUJOURD’HUI, TOUT LE MONDE EST LOGÉ À LA MÊME ADRESSE

Au détour d’un des nombreux couloirs de ce bâtiment sans âme aux allures de labyrinthe, on longe les bureaux des chefs d’état-major d’armée commandant la Marine nationale, l’armée de l’Air et l’armée de Terre, et ceux de leurs adjoints. Chacun dispose de sa salle à manger pour recevoir ses invités. Cela vaut mieux, à en croire un officier supérieur : « Le bureau de l’amiral qui commande la marine est tellement petit qu’il a honte d’y recevoir ses homologues. » Rien à voir avec l’hôtel de la Marine, jouxtant la place de la Concorde.

Quant au bureau du chef d’état-major des armées, il donne désormais sur une cour intérieure plantée du « Balardgone » en lieu et place du superbe bâtiment qui se trouve à l’entame du boulevard Saint- Germain, à un jet de pierre de l’ Assemblée nationale. Le « patron » des armées fait contre mauvaise fortune bon cœur : « C’est pratique, j’ai tout le monde sous la main et, en cas d’urgence, on peut se réunir en un clin d’œil », explique le général de Villiers.

Du centre au périph

Pratique, effectivement, lors-qu’une attaque terroriste se produit à Bamako (Mali) ou Ouagadougou (Burkina Faso). Le général de Villiers n’a qu’ à prendre l’ascenseur situé dans son bureau pour rejoindre le Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), installé dans un sous-sol ultra sécurisé. Là, dans le saint des saints des armées françaises, interdit aux regards extérieurs, il fait face à une forêt d’écrans affichant les images envoyées en temps réel par les drones et les satellites qui surveillent les zones « chaudes » du globe. Ainsi, le « CEMA » (chef d’état-major des armées) a-t-il pu suivre en direct l’assaut donné par les forces spéciales françaises contre les terroristes qui avaient pris en otages des clients d’un grand hôtel à Bamako.

« EN NOUS REGROUPANT, IL NOUS ISOLE »

Mais ces avantages fonctionnels, s’ils sont indéniables, n’effacent pas tout à fait le petit goût amer qui persiste dans la bouche des responsables militaires. Outre des coûts de fonctionnement ubuesques (NDLR : Balard est l’objet d’un PPP), le haut commandement vit désormais dans une sorte de bulle, coupée du monde extérieur. « C’est tout le paradoxe du choix qui a été fait par le politique : en nous regroupant, il nous isole », remarque-t-on au Balardgone. Et, pendant que le ministre reçoit ses hôtes dans le bureau de Clemenceau ou de De Gaulle, rue Saint-Dominique, les militaires ont le sentiment d’avoir été relégués. Comme si on avait voulu les « banaliser », dit l’un, ou les « remettre à leur place », dit un autre. Celle d’un corps qui, jadis, occupait une place centrale au sein du pouvoir et de la nation. Et qui aujourd’hui, hormis chaque 14 juillet, est situé à la périphérie de la République… Le long du périphérique.

 


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