SYRIE : UN TEMPS GÉOPOLITIQUE SUSPENDU AVANT UNE RECOMPOSITION MAJEURE
16102015Nous diffusons ici, avec son aimable accord, l’article de Thomas Flichy de La Neuville, de l’Université de Paris IV – Sorbonne, consacré à la Syrie.
Beaucoup plus que le pétrole, le véritable enjeu du Moyen-Orient est la domination de l’épicentre religieux de la planète. Pour les puissances en effet, l’appropriation militaire des lieux sacrés constitue une tentative très ancienne visant à capturer l’âme des peuples. La conquête de lieux à haute valeur religieuse ajoutée permet en effet d’agir sur les civilisations concurrentes qui se les disputent. L’une des manifestations de cette volonté d’appropriation est la manipulation – par les puissances extérieures – de la vitalité-agressivité des musulmans exaltés de l’Etat islamique. Or, dans la lutte difficile pour la conquête de l’épicentre religieux, l’élément déterminant sera la cohérence de la politique étrangère. L’on sait bien en effet, qu’au delà d’un certain seuil de contradictions, la politique étrangère se désagrège, comme un objet porté à sa propre fréquence de résonance. Le second élément sera la sensibilité religieuse de la puissance souhaitant s’approprier les lieux sacrés.
Dans leurs ambitions concurrentes afin de s’approprier le cœur religieux, les trois grands systèmes d’alliances sont arrivés aujourd’hui à une sorte de point d’équilibre. L’archipel océanique libéral constitué par les Etats-Unis et ses îles alliées qu’il s’agisse de la Grande-Bretagne ou du Japon a perdu l’initiative stratégique. Le califat artificiel planté au cœur du monde musulman a rejeté la seule tête capable de le guider : celle de l’Iran chiite. Son expansion est aujourd’hui limitée par les Etats limitrophes qui ont favorisé son avènement. Quant au Nouvel Empire Mongol, qui rassemble la Chine et l’Iran et la Russie, il comporte au septentrion un Occident oublié. De fait, la Russie a suffisamment pensé la puissance pour être capable de l’exercer, au moins à court terme.
La conjoncture géopolitique actuelle est donc celle d’un temps suspendu. La question est toutefois de savoir ce que vont faire les Russes. Vont ils se contenter de sécuriser le pays alaouite ? Pousser l’avantage jusqu’à détruire l’Etat islamique ? Il existe une solution médiane qui consisterait à obtenir une victoire symbolique, puis à détruire les milices islamistes implantées en Syrie, et enfin ouvrir les négociations avec les puissances régionales. Conscient de la possibilité d’une possible recomposition régionale au profit de la Russie, les Etats-Unis, se sont lancés dans une course désespérée afin d’éviter une victoire symbolique de Vladimir Poutine. Les événements militaires à venir seront donc déterminants pour la recomposition politique qui va suivre.
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