Les obsèques de Claude Mademba Sy ont été célébrées samedi dans le Tarn. Ce tirailleur sénégalais était le seul soldat noir de la 2e DB du général Leclerc à la Libération. Il avait lutté pour la revalorisation des pensions des combattants africains.
Depuis sa retraite, le colonel Claude Mademba Sy s’était retiré à Briatexte dans le sud-ouest de la France. C’est dans ce petit village du Tarn qu’ont été célébrées, samedi 12 avril, les obsèques de ce grand officier de la Légion d’honneur, décédé le 8 avril à l’âge de 90 ans. Considéré comme l’une des dernières figures des tirailleurs sénégalais, il était notamment connu pour avoir été le seul soldat noir de la 2e division blindée du général Leclerc lors de son entrée dans Paris en août 44 et pour avoir défendu le principe d’égalité pour les pensions militaires versées aux anciens combattants africains.
Un libérateur de la France
Issu d’une famille de militaire, Claude Mademba Sy est né le 11 décembre 1923 à Versailles, où son père, le premier Africain à avoir servi comme officier supérieur dans l’armée française, effectuait un stage. Au gré des affections d’Abdel Kader Mademba Sy, la famille vit ensuite à Madagascar, au Mali, au Sénégal, avant de revenir en France où son père s’éteint en 1932. « Mon père s’est laissé mourir. Car bien plus tard, j’ai appris qu’il avait été envoyé en 1916 en Afrique pour recruter de futurs tirailleurs. Quelque 65 000 gars qui furent de toutes les offensives meurtrières de 1917 et 1918. Mon père avait probablement sur la conscience d’avoir désigné ces hommes pour la mort. D’ailleurs, quelques mois avant de mourir, il ne voulait plus parler en français », avait raconté Claude Mademba Sy en 2007 dans un entretien au journal « Le Monde ».
Devenu pupille de la Nation à l’âge de 9 ans, le jeune homme suit pourtant les traces de son père. En 1943, à Tunis, où sa mère est installée depuis son remariage, il rejoint le régiment de tirailleurs sénégalais du Tchad (RTST), une des premières unités à rallier la France libre. Il intègre ensuite, comme sous-officier, la 2e DB du général Leclerc avec laquelle il débarque à Utah Beach en Normandie le 2 août 1944. Seul soldat noir de cette division, il entre le 25 août dans Paris libéré avec son char dénommé « Pantagruel ». « L’objectif bien sûr était l’entrée dans Paris, nous étions très inquiets, car nous savions que Paris s’était insurgé. Donc, on savait que si on n’y arrivait pas, si nous avions été déroutés, la répression aurait été terrible, avec la menace de voir Paris coupée en deux. De plus, beaucoup d’entre nous avaient des attaches, j’avais vraiment hâte d’arriver dans Paris car nous étions sans nouvelles depuis des semaines », avait-il décrit quelques années plus tard, selon le site Français Libres.
La lutte pour la « décristallisation »
Mais les combats sont loin d’être terminés. Il participe ensuite à la libération de Strasbourg et à la prise du nid d’aigle de Hitler à Berchtesgaden, près de Munich. Après le conflit, Claude Mademba Sy est décoré de la Croix de guerre 39-45 avec huit citations, dont trois à l’ordre de l’Armée, et intègre Saint-Cyr au sein de la promotion Victoire. Il part ensuite en Indochine puis en Algérie où il prend part notamment à la traque d’Aït Hamouda Amirouche, chef de guerre du FNL. En 1960, au moment de l’indépendance du pays de ses ancêtres, il retourne au Sénégal pour former la jeune armée nationale, avec le grade de colonel. Rendu à la vie civile, il entame alors une seconde carrière en tant qu’ambassadeur du Sénégal dans plusieurs pays européens et africains, ainsi qu’à l’ONU.
Fervent défenseur des anciens combattants africains, Claude Mademba Sy s’est ensuite fait connaître dans les années 1990-2000 en rappelant leurs actions héroïques et leur rôle crucial : « Le seul moment où le drapeau français a flotté en 1940 c’est quand même à Brazzaville ou à Fort Lamy (l’ancien nom de la capitale du Tchad, Ndjamena). Ce n’est pas à Paris où il y avait des Allemands », avait-il clamé dans un documentaire intitulé « La France et ses libérateurs ». Figure respectée, le colonel est monté notamment au créneau pour dénoncer le traitement inégalitaire concernant le versement des pensions. Interrogé à ce sujet par « Le Monde », il n’avait pas caché sa rancœur : « Quand on est amoureux de ce pays qu’est la France, on ne comprend pas cette bassesse, cette bêtise, cette ignominie. Quand je pense que la retraite du combattant est de 433 euros par an et que l’on mégote alors qu’il ne reste plus que quelque 800 anciens combattants au Sénégal et près de 2 000 au Mali ! Quand on m’a appris à donner l’assaut, on m’a dit : ‘Tu sors de la tranchée, tu baisses la tête et tu cries ‘En avant pour la France !’ ».
Ce dernier combat s’est révélé victorieux. En janvier 2011, l’État français a adopté la « décristallisation » complète des pensions civiles et militaires. Les versements aux anciens combattants issus des pays et territoires autrefois sous souveraineté française ont ainsi été alignés sur ceux des pensionnés français.