Discours du CEMA : ouverture de la 21ème promotion de l’École de guerre
30092013Allocution de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, à l’occasion de l’ouverture de la 21ème promotion de l’Ecole de guerre.
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et messieurs les officiers, et stagiaires de la 21ème promotion de l’École de guerre,
Vous êtes ici parce que vous avez réussi un concours, et que vous avez choisi de vous préparer à exercer de plus hautes responsabilités. C’est un choix courageux, un chemin exigeant.
Je salue nos 109 camarades représentant 73 nations amies de la France. Votre présence au sein de la 21ème promotion est un atout pour chacun d’entre vous et une richesse pour notre École de guerre.
Quand vous quitterez cette école, vous participerez à la planification et à la conduite des opérations militaires, vous entretiendrez un outil de combat, vous contribuerez à la construction des capacités futures.
Vous avez déjà une première expérience de ces métiers, celle du chef de premier niveau, celle du traitant en état-major. Cette première expérience en tant que professionnel de votre armée est précieuse. Demain, elle ne sera plus suffisante.
On attendra de vous que vous abordiez les choses dans leur globalité et donc dans leur complexité, dans un cadre toujours interarmes, interarmées, interministériel et international.
C’est pour cela que l’École de guerre est une école de l’interarmées ouverte sur l’international.
Ce matin, je voudrais commencer par vous dire ce qu’est le chef d’état-major des armées françaises. Je voudrais ensuite partager avec vous les enseignements que je tire de nos engagements opérationnels, et ma vision des tendances qu’ils dessinent pour le futur. J’aborderai enfin les défis que les armées françaises devront relever.
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En tant que chef d’état-major des armées et premier des militaires, le CEMA exerce ses responsabilités dans 3 domaines principaux.
Il est le conseiller militaire du gouvernement. Il donne les éléments d’appréciation et propose les options militaires au Président de la République, chef des armées. Évidemment, tout cela tient compte des contraintes de politique intérieure et de politique internationale, mais aussi des contraintes administratives et budgétaires, toutes contraintes qui interagissent continuellement. Ce dialogue permanent entre les plus hautes autorités politiques et militaires est ce qu’on appelle le « politico-militaire ».
Le CEMA assure le commandement des opérations militaires, directement sous les ordres du Président de la République. Ce commandement s’exerce sur tous nos moyens, nucléaires et conventionnels, sur le territoire national et en opération extérieure, que l’opération soit nationale ou multinationale.
Le ministre de la défense est responsable de l’emploi des forces ; il s’agit d’une responsabilité politique. Pour ma part, je suis responsable de l’emploi opérationnel des forces ; c’est une responsabilité militaire et professionnelle.
A l’heure où je vous parle, un peu plus de 8000 soldats, aviateurs et marins français sont en opération extérieure, en Afrique, au Moyen Orient, en Asie centrale et dans les Balkans. D’autres sont mobilisés 7 jours sur 7, dans les missions de dissuasion et pour la protection de nos concitoyens. D’autres sont en alerte, prêts à intervenir où et quand il le faudra. Enfin, d’autres sont prépositionnés à l’étranger, en Afrique, aux Moyen Orient, ce qui veut dire qu’ils sont en alerte ou en opération.
Au bilan, dans ce large registre des opérations, quelques 20 000 militaires des 3 armées, des directions et des services interarmées sont en permanence engagés directement sous mes ordres.
Enfin, le CEMA est responsable de la cohérence capacitaire, c’est-à-dire de l’aptitude de nos armées à opérer ensemble de manière combinée.
Un exemple ? Les opérations menées sur Brega, en Libye, en 2011, qui ont fait intervenir des sous-marins, des frégates, des hélicoptères de combat, des avions de patrouille maritime, des avions de chasse et leurs soutiens.
Cette aptitude à la combinaison interarmées, dans un environnement multinational, est ce que l’on appelle l’interopérabilité. C’est une exigence permanente, pour aujourd’hui et pour demain.
Elle concerne tous les niveaux de commandement et d’exécution, et tous les éléments qui constituent une capacité : l’équipement, la préparation des forces, mais aussi la doctrine et le soutien. Une capacité est donc un tout cohérent, un ensemble de « briques » permettant de remplir une mission – j’y reviendrai.
Ces grands domaines de responsabilité étant posés, je voudrais insister sur 3 points.
Premier point : l’existence, en France, d’un lien direct dans le domaine des opérations entre le CEMA et le Président de la République. Ce lien direct est véritablement une singularité.
Il garantit l’adéquation entre les objectifs politiques et leur traduction en effets militaires, et ce avec une réactivité que beaucoup nous envient.
Deux exemples récents : l’intervention de notre aviation au-dessus de Benghazi, en Libye, le 19 mars 2011 ; et celle de nos forces spéciales, de nos hélicoptères de combat et de nos chasseurs pour bloquer la progression des groupes terroristes vers le Sud malien, le 11 janvier 2013. A chaque fois, l’effet militaire a été appliqué quelques heures seulement après la décision politique. A chaque fois, cette réactivité a été décisive.
Deuxième point : le CEMA dispose des voies et des moyens nécessaires à la planification et à la conduite des opérations, du niveau stratégique au niveau tactique.
Le Centre de planification et de conduite des opérations de l’État-major des armées est au cœur du dispositif, auquel s’agrègent la Direction du renseignement militaire et le Commandement des opérations spéciales. Ils fonctionnent en symbiose avec les états-majors opérationnels de l’armée de terre, de l’armée de l’air et de la marine nationale.
Ainsi, le CPCO assure le contrôle opérationnel de tous les moyens français engagés, mais aussi l’évaluation de la situation, la planification, et la tutelle logistique de toutes nos opérations.
Le CEMA s’appuie pour cela sur des capacités de renseignement complètes et autonomes, auxquelles contribue aussi la Direction générale de la sécurité extérieure. Ces capacités permettent une appréciation de situation et une prise de décision souveraines. C’est ainsi que nous avons été en mesure de connaître et de suivre le développement des groupes terroristes au Sahel depuis plusieurs années, puis de planifier l’opération Serval.
J’ajoute que les structures de commandement françaises sont certifiées aux normes de l’OTAN et de l’Union européenne, nous donnant ainsi un label pour le commandement d’une opération multinationale dans ces cadres, comme nous l’avons fait 2008 au Tchad lors de l’opération EUFOR-Tchad.
Troisième point : La conception et la construction des capacités, c’est-à-dire de toutes les briques nécessaires à la réalisation d’une mission.
Elles relèvent du niveau interarmées, parce que c’est à ce niveau que l’on agrège les capacités de chaque armée.
De plus en plus, la dimension internationale est recherchée, sous la forme de coopérations ou de mutualisations de moyens. Le programme A 400M et le commandement européen de l’aviation de transport en sont des exemples.
Dans tous les cas, la cohérence capacitaire s’envisage à deux niveaux, d’abord au sein de chaque armée, puis au niveau interarmées.
Prenons le cas de l’appui aérien. Il mobilise des chasseurs-bombardiers ou des hélicoptères de combat, mais aussi des moyens de coordination dans la troisième dimension, des avions ravitailleurs, des drones, des équipes de guidage, etc. On pense ici d’abord à l’armée de l’air et à l’aéronautique navale, mais les forces terrestres classiques ou spéciales sont également concernées. D’où la nécessité d’un arbitrage interarmées, pour fixer les normes d’interopérabilité et répartir les ressources au mieux, en fonction des besoins de chacun mais surtout des effets à obtenir sur le terrain.
Voilà ce que je tenais à vous dire de mes responsabilités.
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Je voudrais maintenant vous parler des leçons que je tire de nos engagements, et des tendances que j’y discerne.
Nos engagements répondent à 4 caractéristiques.
La première d’entre elles – et la plus évidente – est leur diversité : diversité géographique, diversité des menaces, diversité du cadre d’intervention, diversité des objectifs recherchés.
Avec le développement de l’asymétrie, et l’émergence de nouveaux domaines de conflictualité comme l’espace et le cyberespace, les possibilités se diversifient encore.
Prendre en compte cette diversité nécessite des capacités réactives et polyvalentes, aptes à entrer en premier si nécessaire, à affronter tout type d’adversaire, quel que soit le milieu, et à couvrir tout type d’action.
Seconde caractéristique : la durée. Certaines opérations durent quelques jours, comme l’évacuation de ressortissants conduite à Beyrouth en 2006. D’autres durent quelques mois, comme la Libye, en 2011. La plupart durent plusieurs années, et parfois bien davantage : nous sommes au Liban depuis 1978, soit 35 ans, au Tchad depuis 1986, en Afghanistan depuis 2001.
Cette caractéristique est, pour les années qui viennent, celle qui sera le plus souvent remise en cause. En effet, tant les gouvernements que les opinions publiques font preuve d’impatience, aussi bien dans la vie de tous les jours que dans leur évaluation stratégique.
Le défi majeur pour nos dispositifs reste malgré tout celui de l’endurance. C’est aussi celui de la réversibilité, capacité à se désengager rapidement d’une crise.
Troisième caractéristique : la complexité des situations, parce que la plupart des conflits se développent au sein même des États. Souvent, on peut parler de guerre civile.
Il est difficile de discerner les acteurs, leurs mobiles, leurs ambitions réelles.
Les lignes de fracture politiques, ethniques et religieuses sont instrumentalisées depuis l’extérieur ; il s’agit de confrontations par procuration.
La résolution de ces crises nécessite alors de raisonner à l’échelle de la région, ce qui démultiplie les acteurs à prendre en compte et complique encore la compréhension des enjeux. En Afghanistan, au Mali, en Syrie, c’est ainsi qu’il faut appréhender les choses.
4ème caractéristique : Ces conflits intra-étatiques naissent de la pauvreté, du sous-développement et de la faillite des États, qui favorisent le développement du radicalisme et du terrorisme.
La solution militaire n’apporte qu’une partie de la réponse. Une approche globale est indispensable pour traiter les causes de ces conflits sur l’ensemble du spectre, en agissant dans 3 domaines : la sécurité, la gouvernance et le développement.
Cette approche, qui vise en fait la restauration des conditions d’une vie normale, est interministérielle – Interagency en anglais. C’est dans cet environnement que vous serez appelés à évoluer.
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Quelles sont, dans ce contexte, les conditions nécessaires à l’intervention ?
De manière schématique, 3 conditions doivent être réunies : pour s’engager, il faut de la volonté, des capacités et de la légitimité.
Il faut la volonté d’intervenir et d’en assumer le prix !
Il est vrai qu’en période de crise, le poids des questions économiques et sociales tend à primer sur les questions de sécurité internationale.
Si l’intérêt d’un outil militaire en complément de la diplomatie est correctement perçu par l’autorité politique, il n’en demeure pas moins que son emploi reste conditionné par le temps médiatique et les contraintes de la politique intérieure.
C’est une difficulté supplémentaire pour le commandement militaire, que d’appliquer ce vieux principe de la guerre de l’économie des moyens à un champ médiatique, voire politicien !
Mais la volonté d’intervenir ne suffit pas : il faut en avoir les moyens !
Aujourd’hui, nul n’est en mesure d’assumer seul la résolution d’une crise. La coalition est devenue incontournable, avec toutes les géométries imaginables.
Éventuellement adossée à une alliance ou à une organisation internationale, elle est le plus souvent montée de toutes pièces et intègre de plus en plus de partenaires. En Afghanistan, l’ISAF a compté jusqu’à 42 contributeurs !
Inévitablement, cette « Babel opérationnelle » met côte à côte des objectifs politiques et militaires différents, des cultures opérationnelles diverses, et des capacités militaires disparates.
Enfin, et c’est peut-être le critère primordial, l’intervention doit être légitime, au plan international, comme vis-à-vis des opinions et des électeurs.
La légitimité doit être incontestée, de l’amont à l’aval de l’intervention. C’est une vraie difficulté pour nos démocraties, aussi promptes à l’émotion qu’à la lassitude. C’est toujours un point de vulnérabilité, a fortiori pour les interventions multinationales.
En l’absence d’ennemi visible aux frontières, les opinions publiques sont de plus en plus sceptiques vis-à-vis des expéditions lointaines, surtout lorsque les enjeux et les résultats sont indirects.
Elles traversent aussi une crise de confiance vis-à-vis des autorités politiques et militaires avec, parfois, le sentiment d’une information manipulée au service de desseins cachés. La communication opérationnelle est un critère majeur de succès.
L ’obtention et l’entretien de la légitimité supposent le respect du droit, et donc la maîtrise de la force, quelles que soient les circonstances. C’est une forme de paradoxe, face à des adversaires qui ne s’embarrassent pas de principes, mais c’est l’honneur des démocraties !
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Au-delà de ces grands principes, quelles sont les tendances ?
La première est que les États-Unis ne souhaitent plus s’impliquer systématiquement en première place.
Ils ont tiré les leçons de leurs expériences afghane et irakienne, au premier rang desquelles les limites de l’emploi de la force, les limites d’une option uniquement militaire, ainsi que la difficulté et le coût de la reconstruction d’un État failli.
Face à l’émergence de la puissance chinoise, Washington regarde aujourd’hui davantage vers l’Asie et le Pacifique.
Concernant le lien transatlantique, les Américains appellent à un partage plus équilibré du fardeau pour la sécurité de notre continent, qui ne représente plus pour eux un enjeu primordial. Songez qu’aujourd’hui, un Américain dépense 4 fois plus pour sa défense qu’un Européen !
Ceci a des implications directes sur les opérations, en termes d’initiative politique, de leadership opérationnel et de capacités militaires. On l’a vu récemment en Libye et au Mali.
Deuxième tendance : Les Européens ne comprennent l’intervention extérieure qu’avec parcimonie et au cas par cas.
En Europe aussi, les engagements répétés des 20 dernières années ont laissé des traces, sans pour autant susciter de vision partagée des enjeux de sécurité.
De plus, face à la crise économique, qui entraîne une réduction généralisée des budgets de défense, la plupart des Européens misent toujours plus sur l’Alliance atlantique, qui a été construite pour faire face à l’Union des républiques socialistes soviétiques.
Ils fournissent volontiers des capacités de soutien, mais sont plus réticents à engager la force.
Le Sommet européen sur la défense européenne, au niveau des chefs d’État, en décembre, devrait – espérons-le – redonner un nouvel élan à la dynamique européenne !
Troisième tendance : l’affirmation nouvelle d’États et d’organisations régionales dans la résolution de crises relevant de leur sphère d’intérêt géographique, culturel ou religieux.
Je pense aux États du Golfe, en Libye et aujourd’hui en Syrie.
Je pense à l’Union africaine, à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et aux États de la région au Sahel. Le succès de la MINUSMA en témoigne.
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Dans ce contexte géopolitique, les coalitions de demain seront d’abord des coalitions de circonstance.
Leur constitution sera un préalable. C’est déjà un premier défi !
Ce seront des coalitions à géométrie variable, qui intègreront ceux qui veulent et qui peuvent. Les alliances et organisations permanentes seront confortées dans leur rôle de boîte à outils, forum de dialogue et structure normative, plus que dans leur rôle structurel. C’est à mes yeux la première vertu de l’OTAN, au-delà évidemment de la défense collective.
Je suis par ailleurs convaincu que le rôle des acteurs locaux et régionaux sera accru.
Ce sont eux en effet qui sont les plus légitimes et donc les mieux à même de gagner une paix durable.
L’action internationale s’inscrira principalement en soutien des capacités dont ils disposent, pour leur fournir celles qui leur manquent. Je pense en particulier au renseignement, au commandement, à la logistique et aux appuis. C’est ainsi que la France procède au Mali, avec ses partenaires nord-américains et européens.
Il s’agira d’intervenir aussi rapidement que nécessaire, avec une empreinte minimale, constamment optimisée, puis de se désengager aussi vite que possible.
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Après ce tour d’horizon géostratégique et des défis opérationnels à venir, je voudrais vous dire comment je vois l’évolution de nos armées pour les 15 prochaines armées.
Dans le monde de la défense, on a un exercice régulier de prospective pour évaluer les risques, les menaces, les cadres d’intervention et les moyens nécessaires. C’est le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Dans ce cadre, une Loi de programmation militaire décline cette analyse pour nos armées, en termes d’équipement, de personnel et de fonctionnement.
La France vient de conduire ces deux exercices, avec la publication d’un Livre blanc au printemps et la préparation d’une Loi de programmation militaire, qui devrait être votée par le Parlement avant la fin de l’année.
Dans le contexte de la crise économique, l’exercice est conduit sous forte contrainte budgétaire.
Que retenir ?
Les missions des armées françaises sont inchangées dans leurs grandes lignes, avec une stratégie militaire articulée autour de 3 grandes missions : la protection du territoire national et des Français, la dissuasion nucléaire et l’intervention extérieure.
Des priorités sont réaffirmées : le renseignement, la cyberdéfense.
Conséquence : à budget plus contraint, il a fallu faire des choix, réduire les formats et donc revoir les contrats opérationnels, en particulier ceux qui concernent l’intervention extérieure. Mais ces contrats d’intervention restent cohérents avec les missions et le volume de nos engagements passés et, surtout, de nos engagements probables.
Au bilan, nous devrions disposer en 2025 d’une armée au format plus réduit qu’aujourd’hui, mais d’une armée adaptée à nos ambitions, telles qu’elles ont été décrites par le Livre blanc.
Compte tenu du contexte économique difficile que nous traversons, les 190Md€ consacrés à la LPM 2014-2019 représentent un effort significatif, porté au plus haut niveau de l’État.
Ceci dit, le modèle décrit par la LPM présente 3 points de vigilance :
- Le premier point de vigilance est budgétaire. L’enveloppe allouée est ambitieuse, mais elle repose en partie sur des ressources exceptionnelles. Cette fois-ci comme les précédentes, c’est le respect des budgets annuels au fur et à mesure qui conditionnera la victoire !
- Deuxième point de vigilance : la déflation des ressources humaines. La LPM fixe l’objectif, 23 500 déflations supplémentaires, dont environ 1000 officiers par an. Ce sera compliqué, vu les efforts déjà réalisés ces dernières années. Inévitablement, il faudra restructurer, dissoudre des unités, fermer des bases.
- Troisième point de vigilance : la relève des matériels anciens par ceux qui doivent les remplacer, sans discontinuité de service. Avec le report et la réduction de certains programmes, il faudra prolonger des matériels plus longtemps que prévu.
Comme pour la plupart des armées représentées ici, les années à venir seront difficiles pour les armées françaises. Il faudra de la combativité dans l’adversité, il faudra de l’imagination pour surmonter les obstacles. Il faudra de l’engagement !
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Cet engagement, je l’attends de tous et puisque je suis ici devant vous, je l’attends de chacun d’entre vous !
Vous l’avez compris, cette année est d’abord pour vous celle de l’approche de la complexité.
Elle doit être avant tout l’occasion de dépasser le confort de ce que vous maîtrisez, de vous ouvrir sur le monde et de parfaire votre culture générale.
Vous êtes là pour réfléchir, pour apprendre et pour débattre !
Vous êtes là pour réfléchir.
Méfiez-vous des vérités toutes faites. Certaines seulement sont valides. Beaucoup trop sont l’alibi du dogmatisme, le paravent d’un conservatisme étriqué ! C’est un frein à l’innovation dont nous avons besoin : « Ce qui a toujours menacé la pensée militaire, c’est le dogmatisme dans la rationalité non appuyée par l’expérience », prévenait Raymond Aron, et c’était en 1975 !
Le « pragmatisme », dont on nous rebat les oreilles, doit être utilisé avec discernement. Pour beaucoup, il est le refuge de la paresse intellectuelle !
Ayez le souci de comprendre en profondeur, et donc de contextualiser. Ayez le souci de bâtir des analyses personnelles, circonstanciées, et donc de mettre en perspective.
Vous êtes là pour apprendre.
Vous devez viser des connaissances à la fois larges et précises. C’est cela qui vous permettra de vous forger des convictions étayées et de les défendre avec nuance. C’est ainsi et ainsi seulement que vous serez crédibles et respectés.
Prenez le temps de la lecture. Celle de l’actualité, bien sûr, mais en allant au-delà de l’écume des événements. Celle des grands auteurs qui vous permettront de mieux « comprendre la guerre », ses enjeux, ses mobiles, dans toutes leurs dimensions. Ne vous contentez pas de lire Clausewitz : lisez aussi bien Sun Tzu que Guibert, Mahan que Liddell Hart et Warden !
La stratégie et la géopolitique sont des disciplines primordiales, mais elles ne sont pas les seules. Etudiez aussi l’histoire militaire, l’économie, le droit des conflits. Toutes ces disciplines sont importantes pour le chef militaire !
Vous êtes ici pour débattre.
Pour débattre, et pas pour alimenter des polémiques fondées sur des rumeurs ou, pire, sur des préjugés ! Ayez le souci de l’exactitude de vos sources, de l’objectivité de vos raisonnements. Prenez du recul !
Cela doit vous permettre de vous méfier des bruits de coursive ! Il y a toujours un peu de vrai, mais souvent beaucoup de faux !
A ce propos, ne vous trompez pas de combat : l’avenir de votre armée, direction ou service ne se joue pas ici, en amphi Foch ! Vous êtes là pour promouvoir votre expertise, pas pour l’imposer. Les guerres de clocher, les corporatismes n’ont pas leur place, ni ici, ni ailleurs. Il n’y a qu’un combat qui vaille, celui que nous menons sur le terrain. Toutes les armées, toutes les directions, tous les services y ont leur place, parce que tous sont indispensables au succès !
Mesdames les messieurs les officiers stagiaires de la 21ème promotion de l’École de guerre, les solutions à nos défis sont bien largement hors de votre armée d’origine, hors de vos armées nationales. Si vous gardez cela continuellement en tête, alors vous tirerez le meilleur profit de votre année à l’Ecole de guerre !
Je vous remercie.
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