Allocution du CEMA lors de la clôture de la 20e promotion de l’Ecole de Guerre, le 20 Juin 2013
28 06 2013Amiral, Mesdames, messieurs les officiers généraux, Mesdames, messieurs les brevetés de la promotion général de La Fayette, Mesdames, messieurs,
La clôture de la session annuelle de l’École de guerre obéit à un rituel bien réglé mais cette figure imposée n’est jamais tout à fait la même.
Chaque promotion est unique, et l’École de guerre s’adapte constamment à sa mission : préparer au mieux les officiers à commander les opérations de demain. Et pour cela, l’École de guerre, c’est toujours un fort investissement personnel et collectif !
Cette année restera pour vous une année exceptionnelle et significative.
Exceptionnelle, parce que la 20ème promotion de l’École de guerre est la meilleure ? Peut-être : à vous de continuer à le démontrer !
Cette année fut significative, surtout, parce que ce n’est pas tous les ans que la France reformule sa stratégie de défense et de sécurité !
La préparation du Livre blanc 2013 aura été pour vous :
- L’occasion d’échanger sur l’évolution du monde, des grands équilibres géopolitiques, de la nature et des formes de la guerre.
- L’occasion de partager votre compréhension des contraintes pesant sur les armées, les nôtres mais aussi celles de nos alliés et nos partenaires.
- L’occasion d’approfondir les fondements de la politique de défense de la France.
Mais l’École de guerre est avant tout l’école où l’on étudie la guerre, où l’on analyse celle d’hier et d’aujourd’hui pour mieux imaginer celle de demain. L’actualité de nos armées vous aura fourni une matière riche cette année !
Je pense à notre désengagement d’Afghanistan, à l’automne 2012, occasion d’analyser la conduite d’une manœuvre logistique complexe, l’évolution d’une opération multinationale de grande ampleur, les perspectives qui s’ouvrent désormais en Asie centrale.
Je pense au lancement de l’opération Serval, en janvier 2013. Vous aurez noté le caractère singulier de cet engagement, à nul autre pareil dans notre histoire militaire récente. Vous aurez noté l’audace et le caractère innovant de la manœuvre, le haut niveau d’intégration interarmées. Vous aurez noté la place de plus en plus prioritaire accordée aux acteurs locaux et régionaux dans la résolution de cette crise. Vous aurez noté la logique à l’œuvre dans la mutualisation interarmées et internationale des capacités, une logique pragmatique.
Nous ne sommes pas au bout de ces missions. Il faudra les conclure. Il faudra gagner la paix. Il faudra aussi se tenir prêts à relever d’autres défis opérationnels, ailleurs. Il faudra alors inventer d’autres manières de faire, adaptées à d’autres circonstances, celles que nous anticipons, celles que nous n’imaginons pas encore.
La tâche est immense. Elle n’est en fait jamais achevée. Et les contraintes sont nombreuses, des contraintes géopolitiques, des contraintes économiques et j’en passe. C’est ce qui fait la grandeur et l’intérêt du métier militaire. C’est pourquoi, là aussi, j’ai besoin d’officiers brevetés. J’en ai besoin pour demain. J’en ai besoin dès aujourd’hui. Je vous attends !
Aujourd’hui, vous quittez l’École de guerre, pour rejoindre des états-majors, des unités.
Vous avez approfondi des disciplines et des techniques supplémentaires : la stratégie, la planification, le management entre autres. Vous avez acquis des connaissances, des méthodes, un état d’esprit.
Je connais les récriminations classiques du stagiaire de l’École de guerre, à la fois ravi de cette année de respiration, impatient d’en découdre, et toujours sceptique devant la profusion d’amphis, le caractère trop « scolaire » des travaux, l’utilité de certaines matières – j’étais à votre place, il y a près de 25 ans.
Mais, quoi que vous en pensiez, quoi que vous en disiez, vous n’êtes plus les mêmes !
Vous avez vécu la nécessité de l’engagement personnel dans le travail intellectuel : à l’École de guerre, on ne s’enrichit qu’à proportion de son implication !
Vous avez développé votre sens du discernement : aujourd’hui, vous distinguez mieux l’accessoire de l’essentiel, ce qui peut attendre de ce qui est urgent ! J’insiste sur cette notion de discernement, qui s’applique tant à vos faits et gestes militaires qu’à votre comportement privé – je pense aux débats de société en particulier.
Vous aviez une idée de l’interarmées et du multinational. Depuis, vous avez mieux expérimenté ce que signifie complémentarité : des points de vue différents mais qui s’enrichissent, des compétences qui s’imbriquent les unes dans les autres, la force du collectif.
Vous avez vécu la nécessité de penser « plus haut » et « plus large », de replacer les choses dans leur contexte, de les mettre en perspective, de prendre du recul.
Et tout cela vous sera utile. Parce que dans la vraie vie des opérations militaires, dès que l’on quitte le niveau de l’exécutant, les choses ne sont jamais simples. Il faut jongler avec de multiples paramètres. Il faut déjà les identifier, il faut les mettre en relation, déterminer les leviers d’action, et manœuvrer au bon moment.
Dans cette complexité des opérations militaires, de la gestion de l’outil de défense ou de la préparation de l’avenir, l’officier breveté n’a pas toutes les réponses, mais ce n’est pas ce qu’on attend de lui. On attend de lui qu’il sache d’abord poser les bonnes questions. Et qu’il les pose. Et qu’il façonne ensuite des solutions, en mobilisant les bonnes compétences, les siennes et celles des autres.
C’est à cela que sert l’École de guerre. C’est vers cela qu’est orienté le cursus de l’École de guerre !
Vous allez donc quitter le cocon des salles de groupe, de l’amphi Foch ou de l’amphi des Vallières. Vous allez retrouver la réalité, une réalité difficile. Vous allez retrouver des armées qui ont changé, des armées qui changent, des armées qui vont changer. Et vous serez à la fois cibles et acteurs de ces changements !
Les armées auront besoin de votre capacité à appréhender les choses de manière globale, de votre capacité à discerner dans la complexité.
Les armées auront besoin de votre dynamisme, de votre capacité à vous remettre en cause, de votre capacité à entraîner.
En fait, votre défi sera de faire cheminer votre sens critique, l’originalité de vos réflexions, votre capacité à créer, à innover.
Nous allons vers un futur où les repères ne seront pas forcément ceux d’aujourd’hui. Mais un futur qui devra être éclairé, où les règles du jeu devront être réinventées. C’est, pour la défense des nations, pour la paix et la sécurité internationale, le rôle des chefs militaires de demain. Et ces chefs de demain, c’est vous !
Le brevet de l’enseignement militaire supérieur, que vous avez reçu ce matin, vous ouvre de nouvelles perspectives mais il n’est pas un talisman, un sésame. Il est plus un point de départ qu’un point d’arrivée : il crée plus de devoirs qu’il ne donne de droits !
Cultivez ce que vous avez semé et reçu ici. Continuez à approfondir les disciplines enseignées à l’École de guerre, la stratégie, la géopolitique, l’histoire militaire. Elles vous aident à distinguer les permanences et les contingences, elles vous portent vers les buts avant de regarder les moyens. C’est ainsi que doit raisonner le stratège, c’est ainsi que doit raisonner l’officier breveté !
Et ce, que vous serviez l’armée française ou votre armée nationale !
Je voudrais adresser quelques mots à nos camarades des nations amies de la France.
Je voudrais vous remercier pour votre implication dans l’enseignement de l’École de guerre, un enseignement rendu plus difficile encore par les obstacles de la langue. Ces obstacles, vous avez su les surmonter pour votre bénéfice personnel, pour le bénéfice de tous les stagiaires, pour celui de l’Ecole de guerre. Je vous en félicite !
Je voudrais vous remercier aussi pour ce que vous nous avez apportés : un regard différent sur le monde, sur les problématiques que nous partageons, et même sur celles que nous ne partageons pas. Dans cette appréhension de la complexité que j’évoquais à l’instant, l’échange des cultures est source d’enrichissement réciproque ; plus encore, il est, dans la résolution des crises, le meilleur chemin vers des solutions communes, vers des solutions durables, vers les solutions que nous recherchons tous.
Vous allez rentrer chez vous.
Je compte sur vous pour témoigner de ce que vous avez vu et reçu.
Je compte sur vous pour expliquer comment la France perçoit les enjeux de défense et de sécurité, comment elle planifie et conduit les opérations militaires. C’est avec vos pays que nous agissons aujourd’hui. C’est avec vos pays que nous agirons demain.
Et vous, qui êtes brevetés de l’École de guerre française, vous serez peut-être nos relais dans les opérations que nous conduirons ensemble. C’est ce qui se passe déjà aujourd’hui, sur tous nos théâtres d’opération. C’est ce que nous vivons en ce moment au Sahel, avec nos amis africains, américains, européens.
C’est dire la force de vos réseaux ! C’est dire la plus-value de la dimension internationale de notre École de guerre !
Et votre parrain de promotion, le général de La Fayette, illustre tout cela !
La Fayette, pour nous militaires français, c’était il n’y a pas si longtemps une Task Force terrestre en Afghanistan, c’est toujours une frégate de la marine nationale, un escadron de chasse de l’armée de l’air – l’un des plus prestigieux.
C’est un nom fort, lourd de sens. C’est le symbole de l’amitié franco-américaine, un symbole vivant, un symbole sans cesse entretenu.
C’est, au-delà de ce lien privilégié, le symbole de l’amitié entre les nations, une amitié guidée et fortifiée par des valeurs partagées, des valeurs pour lesquelles on s’engage, des valeurs que l’on défend.
Le général de La Fayette, c’est un esprit audacieux, un esprit moderne, un esprit tourné vers l’avenir.
C’est un esprit à la fois idéaliste et pragmatique.
C’est l’esprit que vous avez choisi de faire vôtre, pour la poursuite de votre carrière d’officier, pour le succès de vos armées.
Longue vie à la 20ème promotion de l’École de guerre, la promotion général de La Fayette !
Je vous remercie.
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