Uzbeen et jurisprudence ?
27 11 2012Après de multiples rebondissements judiciaires, le juge d’instruction Frédéric Digne, saisi d’une plainte avec constitution de partie civile pour mise en danger de la vie d’autrui et non empêchement de crime, enquête depuis le mois de mai 2012 sur des fautes éventuellement commises lors de l’embuscade d’Uzbeen survenue en août 2008 en Afghanistan.
Le ministre de la défense sortant, M. Longuet, s’était opposé à l’ouverture de cette enquête, estimant que « […] elle [cette décision] n’est ni dans la culture, ni dans la tradition juridique […] la conduite de la guerre est et doit rester l’affaire des militaires. »
Cette prise de position reconnaissait qu’au cœur du métier militaire, il y a le fait que l’on expose sa vie et que l’on peut être amené à donner la mort. C’est une réalité qui éclaire l’engagement de tout militaire.
Les pertes ne sont jamais acceptables, la prise de risque l’est… Jusqu’à quand le sera-t-elle? Et après?
UBU n’est pas mort.
Ainsi l’acte de guerre, est soumis à la loi, ceci n’est pas nouveau. Il est même par essence subordonné aux seules intentions du pouvoir politique.
Il ne faut pas s’étonner de la judiciarisation du champ de bataille il faut plutôt s’inquiéter de son absence ou des formes qu’elle prend.
On a l’impression que l’on juge de la bonne application d’un droit qui n’est pas celui qui convient, qui n’est plus organisé pour cela et qui n’a donc pas les moyens de ses ambitions.
L’acte de guerre relève de la seule puissance publique et le soldat n’a pas la plupart du temps le « droit de retrait » que l’on accorde aujourd’hui aux métiers à risques et aux métiers qui se trouvent exposés aux violences.
En échange du retrait de son droit de retrait la puissance publique assure la plupart du temps la défense des intérêts moraux et financiers de ses soldats, et même dans ce cas on lui refuse le droit de retrait, imagine-t-on nos soldats cesser le combat parce que l’arrière « craque » et ne sait plus solder? (sic).
Le seul « droit de retrait » que l’on accorde au soldat est le refus d’appliquer un ordre illégal, mais c’est comme pour le harcèlement sexuel dans les entreprises, parfois difficile à utiliser. Et de toute façon plus difficile à utiliser pour le soldat que pour le général. La pression du combat est souvent plus forte et plus exigeante en bas.
Et si l’on fait une statistique on peut se rendre compte que les ratés en 50 ans, dans ce domaine sont très largement inférieures aux ratées judiciaires.
Et dans nos démocratie, (en général) la puissance publique assume ses responsabilités en la matière d’emploi au combat de nos forces.
Nous sommes heureusement sortis de la période pendant laquelle les gouvernements se faisaient attribuer les pleins pouvoirs et rendaient responsables ceux qui avaient à mettre en oeuvre les moyens et les méthodes correspondantes.
Toutefois penser que tous nos soldats ne sont toujours engagés qu’en totale légalité relève de l’angélisme politique. Mais dans ce cas les opérations sont autorisées au plus haut niveau de l’état.
Il n’est pas certain, non plus, qu’en opérations on puisse appliquer pendant que l’on y est le droit du travail. Imagine-t-on nos soldats en pleine opérations passer aux 35 heures ou plutôt aux 29 payées 39?
De toute façon, même avec la meilleure des volontés il ne sera jamais possible d’écrire avant les opérations toutes les conditions d’emploi des armes et d’ouverture du feu.
Voilà d’ailleurs pourquoi Officiers, Sous-Officiers et Soldats sont soumis à l’obligation de cultiver une éthique particulière, de se consacrer à la formation continue, pour que l’écart entre l’entraînement et le combat soit le plus faible possible, toutefois cet écart existera toujours, sauf à piétiner nos valeurs et notre éthique.
L’arrivée sur le théâtre d’opérations, le premier engagement d’une troupe restera toujours une phase critique, car « il n’est pas possible d’apprendre à faire la guerre en faisant la guerre » il y a toujours une première fois pour chacun.
Il n’est pas possible non plus de mettre les soldats dans un carcan qui les rendraient très vulnérables.
Les opérations militaires comportent une part d’aléas que seul la qualité humaine, la pertinence du recrutement de la formation, de l’entraînement de l’équipement peut réduire.
Imagine-t-on demain citer ceux qui en organisant des coupes budgétaires peuvent aussi miter l’appareil militaire et ce partant exposer singulièrement le soldat en opération?
« La guerre c’est comme à la chasse, sauf qu’à la guerre les lapins tirent » Charles de Gaulle.
Par ailleurs il est du devoir de la puissance publique de s’organiser pour assurer la continuité du droit en déployant au sein de ses forces, et surtout aux petits échelons ses prévôts qui en étant parfaitement intégrés aux seins des forces assurent la continuité juridique au cours des missions de guerre.