Le moment est venu
27 08 2012
La décision de modernisation de notre défense rend exécutoire à compter du 1er juillet 2013 le train de mesures de dissolution, réorganisation ou transfert voulu par le précédent gouvernement (voir billet précédent). Le nouveau pouvoir a déjà diffusé des pistes complémentaires, pour l’instant à l’étude, qui devraient permettre de poursuivre la « rationalisation » en 2013.
Les efforts demandés et reconnus, au moins dans les discours, sont sans précédent depuis plusieurs décennies. Les déclarations faites par nos chefs d’état-major d’armée ou des armées, montrent qu’une fois de plus des « seuils » sont atteints, qui seront certainement franchis.
Si les objectifs de l’Épaulette concernent en priorité ses adhérents et les catégories qu’ils représentent, ils ne peuvent cependant se concrétiser que dans un cadre général favorable. Quand le cadre semble se fragiliser, c’est le cas aujourd’hui, nos actions doivent s’infléchir pour servir l’intérêt général puisqu’il conditionne dès lors les intérêts particuliers.
Le moment semble donc venu de donner priorité aux engagements menés de concert avec les autres structures associatives rassemblant des officiers et des sous-officiers de quelque origine ou position statutaire qu’ils soient.
Mais ne nous trompons pas de voie.
Nos interventions ne sauraient être politisées ce qui nuirait à notre crédibilité et serait contraire à nos statuts. Pour autant elles doivent être déterminées, au service du commandement et en accord avec notre éthique d’officier.
Nous disposons d’une liberté de ton et « d’interpellation » certaines, il serait coupable de les laisser sous le boisseau alors que se dessine l’avenir de nos armées et des hommes et femmes qui les servent.
Les moyens de fédérer nos énergies existent. Ainsi, les actions conduites dans le cadre du Comité d’entente qui regroupe plus de 40 associations de militaires ou sympathisants (IHEDN) ont déjà montré leur efficacité sur des sujets mémoriels comme récemment le 11 novembre, devenu journée nationale d’hommage aux morts pour la France. Il est certainement possible de retenir d’autres objectifs en accord avec des priorités que nous dicte l’actualité. L’Épaulette œuvrera à cette inflexion. Elle sait pouvoir compter sur des membres influents de ce cercle pour avancer dans cette direction.
Mais il serait vain de limiter ces engagements à ceux des sièges et bureaux ou conseils d’administration de nos organismes. C’est à chacun, et en particulier pour ce qui nous concerne aux correspondants et présidents de groupement, de développer cette dynamique inter-associative qui, le moment venu, pourra nous donner le poids du nombre pour relayer notre vision de l’esprit de défense, des valeurs qu’il porte et des moyens qui doivent y être associés.
Je vous invite donc à susciter ou rejoindre toute initiative locale qui viserait à faire émerger des positions communes sur les risques qui se présentent pour notre défense et sur la place qui peut être la nôtre dans une forme d’opposition constructive.
Lorsque le Général DE GAULLE est passé devant les éléments de la « nueve » (la compagnie de républicains espagnols qui servaient au sein du RMT/ 2°DB)
sur le parvis de Notre-Dame en août 1944, il a dit au Capitaine DRONNE, après avoir lu sur sa jeep « mort aux cons » ; « vaste programme » ou « lourde tâche » les versions divergent.
Faire parler les militaires sur la restructuration en cours relève de la même gageure. Je n’écris pas qu’ils sont C… mais qu’ils ont tort de se taire, de ne pas parler raisonnablement avec honneur et courage pour le service de leur patrie.
Notre vielle démocratie est assez mûre pour écouter les propos de ses soldats. Utiliser la « discipline militaire » pour faire avaler une restructuration c’est prendre le risque d’organiser un « sauve qui peut ». C’est surtout une faute grave justement contre la « discipline militaire » que l’on doit préserver et entretenir pour le combat.
Lorsque l’on envisage de donner sa vie pour son pays, on peut accepter de compromettre sa carrière en « l’ouvrant ».
Or si les militaires se taisent on aura d’autant plus de facilité à leur construire une armée « d’armistice » (sans B…. et sans Couteaux) aussi inefficace que désuète donc fort couteuse.
Dans ce cadre les querelles corporatistes qui font perdurer des statuts du 19° siècle vaguement relookés au 20° sont d’une rare perversités car ils consomment de l’énergie en interne et rigidifient plus qu’il ne convient la gestion de l’élément essentiel de la chose militaire à savoir l’homme.
Il ne s’agît pas non plus de créer un courant « corporatiste » assez puissant pour être entendu car alors son « corporatisme » même lui ferait perdre tout crédit.
Il s’agît bien de mettre « les pieds dans le plat » et de montrer comment à travers le sort qui est fait aux hommes de la Défense on compromet l’avenir de notre pays en réduisant sa liberté d’action politique.
Il nous faut certainement nous débarrasser des dernières traces d’organisation à la Vauban car plus l’Europe avancera moins notre pré-carré sera menacé.
Il nous faut certainement solder les organisations issues du syndrome de « Valmy » car les seuls effectifs ne garantissent plus le succès.
Il nous faut certainement garantir d’aussi belles carrières dans les systèmes d’armes que dans les institutions chargés, de la communication, de l’histoire militaire, ou de l’action sociale des armées.
Il nous faut surtout et rapidement refonder une pensée militaire vigoureuse, car la nature et l’éventail des menaces nous imposent des solutions qui vont de l’infanterie la plus classique, de la marine la plus académique à la capacité de contrer des cyber-attaques.
Et les systèmes d’armes les plus pertinents qui auront besoin de peu d’effectifs mais de beaucoup de crédits seront d’autant plus menacés
Et ce d’autant plus que les effectifs chargés de les mettre seront souvent oubliés, voire de statuts précaires donc automatiquement reconvertis, ce qui ne fera que renforcer les « forces du passé ».
Donc augmentera et le silence et la difficulté à moderniser.
L’emploi de nos forces armées dépendra de plus en plus du rôle que nous voulons bien tenir au sein du conseil de sécurité.
La question est peut-être bien/ quelle armée pour une moyenne puissance qui siège au conseil de sécurité.
Ou dit autrement à partir de quel seuil cesserons nous d’être crédibles. (et verrons nous alors nos ventes de biens marchands diminuer d’autant)
Dans ce cadre nos forces sont l’assurance que les abords de la maison France ne sont pas menacés et que nos amis peuvent nous faire confiance.
Aujourd’hui que le déficit de notre sécurité sociale est presque de la moitié du budget de la Défense nous vivons comme une famille qui supprime les assurances sur sa maison pour pouvoir s’acheter des soins ou des médicaments sachant qu’une fois sans maison il lui faudra acheter de plus en plus de médicaments (ce qu’elle ne pourra plus faire !!! n’étant plus libre) et donc réduire de plus en plus ses assurances.
Je ne dis surtout pas qu’il faut cesser de se soigner ou d’enseigner; je pense surtout que l’effort de discipline budgétaire doit s’imposer partout et à tous pour être accepté et réussir sans solder notre futur donc la maison France.
Ils n’y a aucune raisons de s’attaquer aux seuls sur-effectifs militaires (encore que??) sous prétextes qu’eux au moins acceptent les réformes ou de réduire leurs soldes ou leur avancement, ou d’augmenter les contrats en CDD, car eux au moins ne se mettent pas en gréve.
Pour être accepté par le corps social l’effort de modernisation doit être réparti en fonction de l’importance des fonctions régaliennes de l’Etat.
En conclusion rarement l’expression libre de la pensée militaire n’aura eu une si grande importance.
Se taire c’est accepter de futures défaites ou au moins l’inaction politique.
Nous aurons demain un « outil militaire » proportionnel au courage intellectuel des militaires qui nous restent.