Le sens des mots (actualisé)
28 03 2012VOIR le complément en fin de texte.
J’ai pour habitude de ne pas commenter l’actualité nationale pour ne pas faire dériver ce blog de son objet initial: participer à une meilleure connaissance des officiers de nos recrutements, de leur existence et de leurs idées.
L’assassinat par Mohammed Merah de nos camarades du 1er RTP de Toulouse et du 17e RGP de Montauban, celui des enfants et de leur professeur du lycée Ozar Hatorah, ont donné lieu à des commentaires, tant à la radio que sur les chaînes de télévision, traduisant une dérive du sens des mots qui explique mon choix de déroger à cette règle.
Beaucoup de journalistes ont en effet utilisé l’expression « mort les armes à la main » concernant Mohammed Merah. Cette formulation appliquée à un assassin abattu par les forces de l’ordre en état de légitime défense choque en moi le « soldat » pour qui cette épitaphe revêt un sens particulier bien éloigné de celui qui décrit la fin d’un meurtrier.
Loin d’être insignifiant, ce faux-sens présente, quand on l’associe à d’autres commentaires comme « fin tragique » ou lorsque l’on remet en cause les modalités de l’action du RAID, le risque de contribuer à une légitimation de ces meurtres…recherchée par ailleurs!
Nos frères d’armes du 1 et du 17 n’ont pas eu le choix de « mourir les armes à la main ». Ils sont cependant morts pour ce qu’ils représentaient: la France engagée en Afghanistan.
Comme l’adjudant-chef Sylvain Wilm, l’adjudant-chef Denis Estin, le brigadier-chef Geoffrey Baumela et le sergent-chef Svilen Simeonov, abattus désarmés en Kapisa en janvier dernier par un soldat de l’armée afghane dont ils assuraient la formation, le maréchal des logis chef Imad Ibn Ziaten, le caporal Abel Chennouf et le parachutiste de 1ère classe Mohammed Legouad sont eux aussi « Morts pour la France ».
Et ici je n’ai pas l’impression de trahir le sens des mots.
(Actualisation du 28/03/12)
J’ai reçu aujourd’hui le texte de l’homélie du père Christian Venard, aumônier catholique du 17e RGP, prononcée à l’occasion des obsèques du caporal Abel Chennouf.
Au-delà de son caractère confessionnel, ce texte d’un témoin des derniers instants de ces jeunes soldats est émouvant et particulièrement riche de fond.
J’avoue l’émotion qui m’a gagné à sa lecture.
« Abel, mon camarade parachutiste, mon frère, voilà une semaine, jour pour jour et presque heure pour heure, je tenais ta main, encore chaude de la vie que venait de te prendre un assassin. Je tenais ta main en priant pour toi, en pensant à ta maman et en te confiant à notre Maman du Ciel, la Vierge Marie. Je ne connaissais pas encore Caroline, mais si tel avait été le cas, je t’aurais aussi parlé pour elle et pour ce petit bébé que vous attendez. Puis je me suis penché sur ton camarade Mohamed Legouad qu’essayaient de maintenir en vie les remarquables équipes d’urgentistes. Enfin, j’ai assisté au départ vers l’hôpital de Loïc Liber, qui à cette heure même se bat, entouré de son papa et de sa maman, pour rester en vie. Que de souffrances. Que d’incompréhensions. Mais aussi que de solidarité, de soutien, d’hommages et, pour nous chrétiens, de foi (comme le rappelait hier l’évêque aux armées en la cathédrale de Montauban) et d’espérance, malgré tout !
Il y a deux mille sept cents ans, à Rome, au cœur même du forum, symbole et centre de la vie de la Cité, un gouffre s’ouvrit. L’oracle consulté livra cette réponse : pour combler ce gouffre, Rome devait y engloutir ce qu’elle avait de plus précieux. Chacun s’interrogeait encore sur ce qui pouvait être de plus précieux, quand un jeune cavalier, un jeune homme armée, Curtius, se jeta avec son cheval dans le gouffre qui se referma aussitôt. Oui, ce que Rome avait de plus précieux était un jeune militaire défenseur de la Cité.
Le criminel terroriste qui a mené ces actions dans lesquelles tu as perdu la vie, Abel, a tenté d’ouvrir un gouffre. Le prix à payer pour le combler est bien sûr infiniment trop lourd ; mais mon ami Abel, tu es devenu, comme Curtius, symbole de ce que notre pays, la France, possède de plus précieux. Et désormais, c’est ainsi que tu nous apparais : jeune caporal parachutiste, mort pour la France, dans un attentat terroriste qui voulait mettre à bas notre Patrie.
Abel, je veux aller encore plus loin. C’est parce que tu portais l’uniforme français, parce que tu étais fier de ton béret rouge, que ce criminel t’a visé. Ce que ce meurtrier ne pouvait savoir c’est aussi tout ce que tu représentes aujourd’hui pour notre Patrie. Issue d’une famille à la fois alsacienne (avec tout ce que cette région fait ressortir en notre pays des souffrances liées aux deux conflits mondiaux) et kabyle (et comment ne pas évoquer ici les douloureux événements d’Algérie), ta famille choisit la France avec (et je reprends les mots mêmes de ton cher papa), avec toutes ses traditions, y compris ses racines les plus profondes, qui sont chrétiennes. Comment ne pas voir, mon ami Abel, dans une telle accumulation de symboles, ce que nous avons de plus précieux cette capacité que possède notre Patrie française de prendre en son sein, tous ceux qui veulent devenir ses fils.
Au moment où nous allons te porter en terre, dans cette terre pétrie des ossements de nos pères (c’est cela la Patrie aussi), Abel, avec toute ta famille, tes amis, tes camarades parachutistes, je te fais le serment que nous soutiendrons Caroline et ton enfant. Que nous resterons présents auprès des tiens. Désormais c’est à Dieu que nous te confions, au travers des rites catholiques qui accompagnent nos défunts. Nous savons que tu es vivant auprès du Père. Tu as rejoint Jésus, ce Dieu fait Homme, cet innocent mort à cause de la méchanceté et la violence qui habitent trop souvent le cœur des hommes. Ton sacrifice se trouve comme enveloppé dans celui du Christ Jésus. En te retrouvant jeudi dernier, gisant sur le sol montalbanais, en prenant ta main et en voyant couler de tes blessures ce sang si rouge et si pur, je confiais au Seigneur de la Vie, cette vie qui s’écoulait de toi. Et si aucune larme ne sortait de mes yeux, comme tant de tes camarades, c’est mon cœur qui pleurait sur toute violence faite aux innocents sur cette pauvre terre. Et c’est à l’Innocent qui a versé son Sang pour nous réconcilier avec son Père, qui a versé son propre Sang en rançon pour toutes les violences, que je confiais ta belle âme.
Abel, Français d’origine alsacienne et kabyle, catholique par choix, parachutiste au service de la France, que notre grand saint patron, que l’Archange saint Michel t’accueille et te fasse entrer au sein du Père, avec le Fils et le Saint-Esprit. Amen. »
C’est bien là malheureusement le problème que personne ne semble entrevoir, il n’y a aucune analyse « rens » de la situation ou plutôt analyse PsyOps….mais vue du coté de l’ennemi. Car il est effectivement mort les armes à la main, que cela nous choque ou pas, mort en soldat de son armée de moudjahidine. Il est bien monté à l’assaut de l’infidèle que nous représentons à ses yeux. Et au delà des polémiques RAIDS/GIGN, la plus grande erreur aura été de le laisser monter à l’assaut, d’affronter le combat, de s’échapper par le balcon qui représente l’image du « départ vers le ciel » du paradis d’Allah et ses 72 vierges. L’image est chargée de symbole. C’est seulement çà que retiendront ses comparses alors que si on l’avait abattu comme un chien dans la cuisine comme le droit commun qu’il est, on lui aurait enlevé cette tribune médiatique PsyOps. C’est une guerre des perceptions qui s’ouvre, je crains que nous ayons perdu la première manche…