L’avenir selon JANUS…
22 03 2012La période électorale est source d’interrogations « existentielles » et de leur lot de réflexions. Parmi celles-ci, le travail du groupe Janus ouvre quelques pistes inscrites dans un cadre qui semble cohérent.
Si ces idées se veulent apolitiques, on y retrouve des options apparaissant ici et là dans les programmes des différents candidats (la Garde Nationale par exemple). L’organisation évoquée ici ne correspond à aucune « commande officielle » elle est donc à lire comme un simple travail d’experts mené à une période charnière de l’évolution de notre Défense.
Les aspects géostratégiques et de politique étrangère sont peu présents dans cette tribune qui reste assez technique et « métropolitaine ».
Le groupe (JANUS) est composé de militaires en activité ou non de toutes les armées. Renforcé par des chercheurs, il réfléchit en dehors de toute orientation hiérarchique et de tout parti politique.
Le texte qui suit est extrait de la tribune. La photo ci-contre, représentant le temple de Janus à Autun, est de Jacques Mossot.
« Dans un contexte de renouvellement politique, de refonte du Livre blanc de la défense, de crise économique, mais aussi de réformes et de transformation de l’outil militaire, il peut sembler utile pour tous de prendre part au débat citoyen et d’apporter un avis. En tout état de cause, 15 ans après le début de la professionnalisation des armées, il apparaît nécessaire de prendre en compte les aspirations de la jeunesse à l’effort collectif et à la solidarité, tout en travaillant sur les cohérences géographique et organique du système de défense.
Cette professionnalisation, globalement réussie, a réellement initialisé l’interarmisation du commandement et du soutien, la rationalisation des circuits de commandement et logistique. L’armée s’est modernisée en tenant compte des besoins nouveaux dans le renseignement, le spatial, les appuis robotisés tout en développant les aptitudes préexistantes indispensables.
Trois armées réduites
Les axes de réflexion de Janus visent à prendre en compte la baisse inéluctable des budgets avec en cible une armée française à l’effectif inférieur à 180 000 personnes renforcée d’une Garde nationale (GN) de 75 000 hommes. […]
La Marine nationale pourrait voir une partie de ses missions passer à la GN tout en réfléchissant aux coûts représentés par 4 SNLE.
L’armée de l’Air serait limitée à 6 plateformes aériennes (en dehors de l’outre-mer) et verrait, comme la Marine, une partie de ses missions passer à la garde nationale. […]
L’armée de Terre appuyée et soutenue par une force d’appui et une brigade logistique de 7500 hommes chacune reste articulée autour de huit brigades interarmes et d’une brigade de forces spéciales (5 500 hommes pour chaque brigade en maintenant la capacité infanterie). […] Un effectif de 100 000 hommes pour l’armée de terre semble être une cible raisonnable compte tenu du contexte.
Un projet de garde nationale
À côté des trois armées, une garde nationale interarmées de 75 000 hommes relevant de l’état-major des armées pourrait monter en puissance.
Les objectifs de cette création sont multiples et visent à répondre à la demande des jeunes Français volontaires pour des actions au profit de la collectivité, à valoriser ce volontariat, à compenser les pertes en effectifs des armées, à avoir une organisation et les forces effectives pour de nouvelles missions comme la protection civile (catastrophes naturelles, accident nucléaire, etc.), les actions humanitaires de tous types, l’assistance aux forces de sécurité en cas d’événements importants, la mission Vigipirate mais aussi la présence dans les banlieues, la formation des jeunes et la participation à la chaîne de reconversion. […] La GN devrait monter progressivement à un effectif de 75 000 hommes et femmes se répartissant en personnels issus des armées (15 000 personnes) et gardes nationaux. […]
Un corps autonome
La garde nationale sera un corps autonome avec un uniforme distinct des trois autres armées. L’ossature d’active (15 à 20 % du personnel) viendra indistinctement des trois armées et sera issue des cadres militaires mutés, de civils travaillant pour la défense, de personnel affecté à leur demande mais aussi de militaires d’active préparant un stage ou une reconversion. Les bases de défense actuelles appartiendront à la garde nationale et soutiendront les trois autres armées. […]
Divisions territoriales
La garde nationale sera organisée en divisions territoriales de 10 000 hommes pour le nord-est, le sud-est, le nord-ouest et le sud-ouest du pays. L’Île-de-France sera dotée de 20 000 hommes et les DOM-TOM de 15 000 hommes. La brigade franco-allemande pourra être intégrée à cet ensemble. Les divisions territoriales seront commandées par des officiers généraux issus des trois armées à l’instar du système de commandement outre-mer. Le commandement de la GN sera tournant entre les trois armées.
Les missions de la GN pourraient être en première approche :
- la participation aux actions de défense,
- la protection civile (catastrophes naturelles, pollution maritime, accident aérien et nucléaire, etc.),
- l’action humanitaire,
- l’aide aux forces de sécurité (Vigipirate, événements attirants des foules, etc…)
- les gardes-côtes et le renforcement de la SNSM,
- la protection dans et à l’extérieur des ports et aéroports civils et militaires,
- le soutien aux forces avec les bases de défense,
- l’aide à la reconversion et à l’entrée dans le monde du travail (un régiment du service civique dans chaque division).
Enfin ce projet structurant devra mettre en place de vraies conditions de sous-traitance ou d’externalisation des missions qui pourront aller de la formation au soutien, du gardiennage à la logistique même en opération, de l’appui au renseignement à l’accompagnement en mission extérieure. »
Intéressant sujet de réflexion, en effet.
Un flagrant retour du balancier vers le dé-fusionnement du commandement opérationnel et territorial dont le fusionnement avait été présenté, en son temps, comme la panacée.
Quelles que soient les évolutions du contexte géostratégique, l’outil de défense, devra toujours s’articuler autour de deux composantes à constituer à partir du vivier national et dont les vocations seront :
- pour l’une, la défense du territoire national, la protection de nos installations sensibles, le maintien du bon fonctionnement de nos institutions, la préservation de la cohésion sociale et l’affirmation de notre identité nationale par la défense de notre patrimoine culturel;
- pour l’autre, les interventions extérieures pour y garantir la défense de notre place dans le monde et la défense des intérêts vitaux qui s’y rapportent et l’accomplissement de nos obligations de membres permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU (harmonisation d’un ordre mondial pluraliste, garantie d’accès libre et équitable aux sources approvisionnement en matières premières, imposition du respect des droits fondamentaux partout , lutte contre toutes formes d’oppression, prévention et répression du terrorisme international etc.).
Alors, on peut tourner le devis (ou la facture) dans tous les sens, il faudra bien, en définitive, l’accepter (ou la régler) si nous voulons obtenir un outil de défense performant et répondant à nos besoins.