Lendemain de rendez-vous
17 03 2011Nous avons été reçus hier par le contrôleur général responsable RH au sein du cabinet du Ministre. Cette entrevue courtoise nous a apporté deux satisfactions: la première celle de pouvoir porter la voix de l’Epaulette en un lieu de décision, la seconde de constater que nos préoccupations et propositions sont en phase totale avec celles du ministère. Les points soulevés par ailleurs dans ce blog, dans la revue, lors de l’AG ainsi que les échos recueillis d’autres sources montrent que le besoin d’expression par le biais d’un dialogue interne « revisité » constitue aujourd’hui un sujet d’actualité majeur.
Le texte publié ci-dessous constitue un extrait des positions de l’Epaulette rapportées au cabinet du Ministre. Les adhérents de l’Epaulette auront accès à l’intégralité du contenu par l’intermédiaire de nos correspondants locaux (présidents de groupement, correspondants de formation d’école ou secrétaires de promotion).
Les officiers arrivant au seuil de leur seconde partie de carrière (après TCUE), sont entrés il y a une dizaine d’années au moins dans une institution encore structurée par les options du Livre Blanc de 1994. Ils se retrouvent aujourd’hui confrontés à des règles de gestion, liées aux orientations du nouveau Livre Blanc et aux exigences de la RGPP, beaucoup plus contraignantes et qui remettent parfois en cause dans leur application un discours qui reste inchangé: cohésion, égalité des chances, promotion interne, esprit de corps, et se veut mobilisateur.
- Ce durcissement touche en priorité les officiers de recrutement interne précoce (EMIA, EAM), originellement appelés à occuper les mêmes postes que leurs camarades « directs », sous réserve de manifester les mêmes qualités et de satisfaire aux mêmes exigences de formation.
- Ce qui vaut pour ce recrutement vaut aussi, bien qu’à un moindre niveau, pour les recrutements internes tardifs (OAEA/S-Rang) dont les officiers, par effet domino, s’interrogent sur leurs chances d’accéder aux fonctions qui leur étaient habituellement ouvertes.
- Enfin, dans une armée de Terre où ils représentent 25% des officiers, nos OSC sont statutairement les plus fortement exposés aux incertitudes professionnelles.
Visant des objectifs rendus flous par un cadre mouvant, voire imprévisible par les gestionnaires, le système de sélection et de promotion actuel affiche ses contradictions de manière récurrente. Alors que la sélection repose sur la prise en compte de niveaux d’enseignement atteints initialement ou en cours de carrière par concours puis par scolarités (Cyr, EMIA, OSC, OAEA…) et que s’affiche une volonté de préserver la promotion interne, la « manœuvre RH » (le terme est en lui-même troublant) semble parfois consister à tout mettre en œuvre pour contrecarrer ses propres règles, seule solution apparemment disponible pour « faire entrer l’édredon dans la valise » . C’est ainsi que l’on constate que le maintien de l’attractivité des recrutements directs en période de déflation d’effectif semble ne pouvoir s’appuyer que sur une forme de prédestination par l’origine[1] télescopant les principes « républicains » soutenus par ailleurs.
Deux éléments complémentaires viennent perturber les conditions de cette « marche forcée » vers les objectifs de la « modernisation » et l’horizon 2015. Ils constituent des singularités de notre métier, remises en cause par les réorganisations et leurs conséquences.
- Nos modèles de fonctionnement se sont développés sur un principe simple: la plénitude du commandement qui donne au chef militaire pouvoir et responsabilité. Cette compétence s’exerçait initialement aussi bien lors des opérations que dans la vie courante. Au chef à qui l’on confie sa vie au combat, on confiait la préservation des conditions de la vie quotidienne. L’expression « père du régiment » traduisait cette globalité des compétences. Aujourd’hui, les nouvelles attributions des chefs d’état-major, la centralisation des soutiens dans les BDD éloignent et dispersent les lieux de décision[2]. Elles affaiblissent la position du chef direct devenu plus un porte-parole qu’un décideur. Les injonctions visant à préserver voire restaurer la « RH de commandement[3] » traduisent cette dérive déjà perceptible.
- Notre défense conserve un modèle de « GRH à l’ancienne » dans lequel, quelle que soit l’origine de recrutement, l’accès aux grades et fonctions d’officier supérieur se fait obligatoirement à l’issue d’un cheminement dans les strates intermédiaires. Or c’est plus particulièrement au cours de ce tronc commun que sont indifféremment exposés nos officiers aux rigueurs et risques des engagements opérationnels « cœur du métier » et lieu d’expression des vraies valeurs de chef militaire. Le passage par ce creuset commun rend encore moins compréhensibles les différences de traitement ultérieures, fondées sur de simples règles de gestion d’effectif ou de lointains « préacquis » universitaires.
La mise en place d’une concertation plus réelle, annoncée par le précédent Ministre, celle d’une commission sur le dialogue social dans les armées, activée au sein de la commission de la défense de l’AN, le contenu et le ton de certaines interventions des associations de « retraités militaires », auditionnées par cette même commission le 16 février dernier, montrent bien que dans le même temps où elle atteint les limites de son modèle de force notre défense atteint peut-être les limites de son modèle de dialogue social. [1] Dont on peut se poser la question de l’efficacité lorsqu’on constate l’érosion des promotions directes à l’issue du TCUE. [2] Le choix de « lieux de décision » est volontaire car il traduit ce que l’on entend aujourd’hui. On dit en effet telle et telle mission sera reprise par la BDD ou le GSBDD. On ne parle plus de chef de corps, de commissaire, de chef des ST ou d’officier infra. [3] Responsabilités historiques du chef militaire découlant de la plénitude du commandement: formation continue, préparation aux concours et examens, rôle social général…
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