Certains comprendront d’emblée le clin d’oeil de mon titre. Pour les autres se reporter à certains commentaires de ce blog.
Lors de son intervention à l’Assemblée générale de samedi, le CEMAT a évoqué sa vision de l’avenir de la formation des sous-officiers. Il considère la filière EVSO comme une survivance de la période de la conscription, au cours de laquelle il n’était pas possible de satisfaire le besoin en encadrement sur la seule ressource du contingent. Il fonde également sa conviction de la pertinence de cette approche sur les exemples d’autres armées occidentales et de la Légion étrangère, dans lesquelles les sous-officiers sont issus des militaires du rang. Cette logique vaut totalement si on la limite à la transition de militaire du rang vers sous-officier. Elle pose problème si l’on souhaite défendre dans le même mouvement la spécificité française du recrutement interne officier sous son modèle actuel.
En effet, dans son exposé le CEMAT a fixé comme réaliste une cible de 70% des sous-officiers issus du rang et estimé que cet objectif devait présenter une certaine symétrie avec le recrutement des officiers.
Si ce modèle offre une rigueur incontestable de sélection sur la base de compétences professionnelles vérifiées par l’expérience opérationnelle, il conduira mécaniquement à une profonde modification de la structure du corps des officiers. Il pourrait sonner la fin du recrutement EMIA sous sa forme et son périmètre actuels. En contre-partie les origines OAEA et Rang s’en trouveraient, au moins quantitativement, valorisées.
En effet, sauf à durcir inutilement la sélection de nos militaires du rang sur la base de critères de culture générale compatibles avec un potentiel officier, le volume d’accès à l’EMIA à partir de cette origine devrait stagner à une dizaine de candidats par an (2 élèves-officiers d’origine EVAT ont rejoint la 50e promotion de l’IA). Dans le même temps, la réduction drastique de la filière EVSO aurait les mêmes conséquences mécaniques sur le vivier de candidats. Dès lors quelles perspectives pour une EMIA à 25 ou 30 élèves par an? Le retour à une ESMIA au sein de laquelle les IA, à l’image de ce qui se passe dans la Marine et l’armée de l’Air seraient réduits à quelques unités? Cette solution semble dans l’air du temps. Elle répondrait de plus à l’esprit de la RGPP qui interdit la création de nouveaux corps statutaires - je parle d’esprit car on reste là dans la cadre du COA- et vise surtout à réduire le nombre des parcours (voir l’avenir des CTA dans un billet à venir).
Pour ce qui concerne les recrutements OAEA/S et Rang, ils pourraient être rendus plus attractifs par un volume à la hausse, mais souffriraient de la même baisse de potentiel pour accéder aux emplois d’officier supérieur, voire de commandant d’UE.
Resterait à régler le problème du maintien de la sélectivité de l’accès à l’ESG (ex CID), soulevé par le CEMAT lors de son audition par la commission de la Défense de l’Assemblée (voir billet du 01 nov. 2010). Je rappelle le risque évoqué: un nombre de places proche du nombre de candidats directs, débouchant sur une forme de sélection par la seule origine. Là, pas de difficulté apparente pour élargir le vivier des candidats à partir des OSC activés qui, de plus et du fait de leur âge, ne concourraient pas, sauf à la marge, avec leurs camarades directs pour les temps de commandement de chef de corps et pour l’accès au généralat. On ferait d’une pierre deux coups: sélectivité renforcée et attractivité maintenue, voire améliorée, pour les Saint-Cyriens.
Je reste convaincu que ces orientations prévisibles, en creusant les écarts entre les différentes origines des officiers, se montreraient à terme contreproductives quand bien même elles correspondraient à des solutions cohérentes apportées à des contraintes de gestion. Elles priveraient certainement notre armée de Terre de valeurs héritées de son modèle historique de promotion interne en le réduisant progressivement à un ersatz ou succédané.
Ce sont là typiquement les sujets sur lesquels l’Epaulette fera entendre sa voix lors des différents entretiens qu’obtiendra son Président. J’invite également les uns et les autres à conduire ces réflexions « prospectives » pour alimenter, sans esprit de polémique, un argumentaire solide à l’appui de nos interventions. (JFD)