Quel avenir pour l’EMIA?
19 10 2010Ce titre peut sembler pour le moins iconoclaste venant du Président de l’Epaulette.
Notez cependant qu’il ne dépeint cet avenir ni en blanc ni en noir, mais ouvre simplement une réflexion qui me semble aujourd’hui fondamentale. (Voir également billet du 9 oct.)
Pour aborder ce sujet d’actualité, revenons à quelques constats et questions élémentaires. (◊ actualisation de détail le 19/10)
Constats. Les promotions de l’EMIA sont passées en quelques années de près de 200 à environ 80 officiers. L’effectif de Cyr se réduit lui aussi progressivement vers une cible à 145, pour maintenir une attractivité mise à mal par des tableaux et listes en fortes réductions et des perspectives de commandement incertaines.◊ L’ensemble des recrutements internes et contractuels sont donc plus que jamais indispensables pour gérer la pyramide des besoins. Cette évolution de la structure du corps des officiers est exceptionnelle par son ampleur au moins dans son histoire récente. Elle se traduit par un émiettement d’origines et de cursus qui visent à s’adapter aux contingence mais rendent l’économie générale de la « maquette officiers » de plus en plus difficile à appréhender ◊. La création récente de l’Ecole d’administration militaire (EAM) et les études sur la semestrialisation de la formation à l’EMIA (avec, sous-jacent, un rapprochement avec le cursus de Cyr) montrent cependant la prise de conscience des limites atteintes.
Question-réponse. Quel est l’objectif général que suit l’Epaulette dans ce contexte?
C’est à l’évidence aujourd’hui, et même depuis l’origine, de promouvoir les valeurs de l’officier et en particulier celles qui, à nos yeux, caractérisent nos recrutements et qui sont résumées en partie dans notre devise: « Le travail pour loi, l’honneur comme guide ». Notre « mission » est donc bien de défendre la qualité et les vertus de la promotion interne. Les voies, retenues par le commandement n’étant que des moyens au service d’une fin. En ce sens, et je le rappelle, les OAEA, OSC et toute autre origine « non directe » sont bien confrontés à ce parcours interne soit pour l’accès à l’épaulette soit pour atteindre l’activation. Ils sont de ce fait, et de droit, des enfants « légitimes » de l’Épaulette.
Question-réponse. Comment parvenir à une valorisation équitable des parcours internes?
On peut envisager deux voies nettement différenciées. La première, actuelle, consiste à créer des filières parallèles, à la finalité initiale identique: former un lieutenant (pour faire simple), mais aux finalités ultimes visant pour les uns l’accès à un corps de direction, pour les autres celui à un corps d’exécution (pour faire simple ici encore). Son équité est contestable. La seconde consiste à hisser, par une formation interne, les candidats potentiels au niveau d’une des voies du concours direct. C’est le débat actuel qui se développe autour de l’accès aux grandes écoles: quota et recrutement spécifique ou formation amont et concours commun. L’ancien PPEMIA de Strasbourg, que beaucoup regrettent, n’allait pas au bout de cette logique mais s’en inspirait. L’idée défendue il y a une dizaine d’années par le commandant du CoFAT, qui prônait l’ouverture de places en classes préparatoires des lycées miitaires pour des sous-officiers candidats à l’épaulette, répondait strictement à cette logique de promotion interne. Malheureusement…
Constat. Depuis des décennies on s’épuise à faire reconnaître, par le « civil », l’équivalence de nos formations tout en se gardant d’une concurrence trop cruelle entre les filières (cas des OSC aujourd’hui). On aboutit ainsi à des paradoxes que ne manquent pas de soulever nos interlocuteurs. Par exemple, on forme nos officiers à un premier métier opérationnel (le coeur de notre raison d’être), aux Écoles de Coëtquidan puis en écoles »d’arme », à partir de cursus s’étalant de 1 an (OAEA) à 4 ans (Cyr). La durée de ces cursus étant justifiée, pour les plus longs d’entre eux, par l’acquisition d’une licence (EMIA à partir de la 50e promotion) ou d’un master et d’un diplôme d’ingénieur (Cyr). Cette logique « diplômante » est bien déterminante puisque c’est elle qui conduit les saint-cyriens à ne faire que 2 semestres de formation militaire sur les 6 de leur scolarité (ou ces seuls 2 semestres pour les OST), et les IA à n’en accomplir qu’un seul sur les 4 que compte leur présence aux ESCC.
Questions (sans réponses!). A quoi servent ces titres universitaires puisqu’au moment de franchir la porte des hauts niveaux, le concours du CID s’impose à tous? A quoi sert le diplôme d’ingénieur de Cyr -si ce n’est à pouvoir concourir en sciences de l’ingénieur pour le CID- puisqu’orientés vers des fonctions spécialisées à l’issue du CID, certains « repiqueront » aux joies de l’EMSST dans une autre grande école. Pourra-t-on longtemps défendre les contradictions qui émergent aujourd’hui à l’analyse du rapport coût-efficacité de la formation? Alors que l’efficience est plus que jamais une loi. Alors que pour certaines promotions de Cyr, le taux d’attrition après le temps de commandement d’unité approche les 25%. Alors que des documents internes préconisent de ne pas réduire le volume du CID, car la reconnaissance de cette formation est un facteur fort d’incitation au départ. Alors qu’on fixe comme objectif aux chef de corps de « savoir reconvertir ». Alors qu’on propose à ces mêmes chefs de corps de bénéficier de l’outplacement.
Les contacts que j’entretiens et développe avec des interlocuteurs de tous niveaux me conduisent à sortir du simple champ des préoccupations associatives de l’Epaulette pour m’inscrire dans une plus large prospective. Les recrutements internes et contractuels ne sont pas appelés à disparaître mais à évoluer. Notre position sera entendue pour peu qu’elle soit argumentée et objective. Les voies qu’ont été l’ESMIA et le PPEMIA, et que j’ai évoquées rapidement, sont certes inscrites dans le passé. Pour autant leurs principes sont-ils définitivement périmés ou offrent-ils, parmi d’autres pistes, de nouvelles perspectives pour nos recrutements internes?
Je compte sur votre participation active et vos réflexions et remarques pour alimenter d’urgence ce débat d’actualité. (JFD)
j’invite culture tribale à me lire sur le site du « defense acquisition university ».
ou ici http://logistics-2000-versailles.org/site/framage/bi-enfr/anheuit.htm
encore mieux ici http://europe-logistics-industry-org.apcilog.org/francais/archiv.htm taper ORACLE-DGA (appliqué aux forces ces projets permettent d’économiser quelques MM d’€ par an (no comment).
Cette hésitation permanente entre une formation des officiers ouverte aux sciences humaines aux sciences et techniques en parallèle de leur formation militaire ou une formation strictement orientée vers l’emploi immédiat dans les forces est en fait un vrai faux débat, largement aggravé par le corporatisme que favorise le cloisonnement par statuts, et qui permet surtout aux plus paresseux intellectuellement de faire vertu de cette paresse en la transformant en « discipline militaire », alors que le doute scientifique apparaît lui comme une indiscipline permanente.
En effet un système de défense cohérent doit maitriser « l’art de la guerre » dans son ensemble et celui ci ne se réduit pas aux seules opérations ni aux seuls récits des opérations.
La préparation des forces est même un acte essentiel, or pendant cette phase il faut disposer d’officier capables d’évaluer les aptitudes opérationnelles des nouveaux équipements (pilote et ingénieurs d’essais) en effet seuls les officiers maitrisent les fonctions d’usage attendues et même si vous ne vous rendez pas compte de leurs apports dans les systèmes d’armes je peux vous assurer ici qu’ils sont essentiels, tant au plan de la planification financière qu’au plan de la logistique de ces systèmes et voilà pourquoi il est impensable de les ranger en dehors des formations militaires dans des postes d’experts. Ils ne sont experts que parce qu’ils ont une excellente formation d’Ingénieur doublé d’une solide expérience des unités de combat.
Moins ils seront nombreux plus mal vous serez équipés et plus vous couterez. (considerez les dégâts provoqués par les statuts de 1928)
Contrairement à votre affirmation ces officiers travaillent justement au coeur du métier de soldat. (relire mon propos sur les piquiers du roi) Et ce sont même les officiers du STA qui faisaient tourner les premières mitrailleuses à Gravelotte.
Un breveté armement qui dans son emploi réussi à faire appliquer une seule bonne idée fait gagner plus de 1000 fois son « coût de possession ».
Les « relations internationales » ont également besoin d’attachés de défense dont la valeur dépend directement de leur expérience opérationnelle.
Moins ils seront nombreux plus mal vous serez renseigné.
Pour résumer il me semble que pour bien fonctionner nos forces ont un cruel besoin d’officiers provenant des cursus EMSST (donc universitaire). Et pour en disposer à ce moment là il faut au moins affermir et entretenir leur formation initiale et veiller à ne pas en perdre 1/3 en cours de formation en raison des règles de notation. Car lorsque vous regroupez vos meilleurs officiers en formation comme dans l’emploi vous vous condamnez à en perdre au moins 1/3.
C’est comme la R&D on peut en faire l’économie 15 ans mais passé ces 15 ans votre système militaire sera doublement mité (sans cohérence d’équipement sans cohérence financière) et tout vous manquera pour une grande guerre (CF 1870), même si elle suit des combats victorieux. Et pendant le temps de paix vous couterez de plus en plus cher car vous serez incapable de moderniser continûment votre outil de défense. Et même si vous regroupez vos forces sur de même base vous n’économiserez qu’à la marge sur le « couchage, le riz, le pain et le sel ».
Vous pourrez alors inventer de multiples statuts de merveilleuses grilles indiciaires rien n’y fera. Et si vous confiez vos systèmes d’armes les plus performants à des personnels à statuts précaires vous vous retrouverez incapable de recruter en cas de pression du marché de l’emploi.
Dans une grande guerre la bravoure n’a jamais compensé les lacunes de l’équipement ou de l’entrainement général des forces, voire dans l’emploi.
En temps de paix l’immobilisme conduit les systèmes de défense à l’obsolescence.
Il est vrai qu’il est tentant (dans une logique comptable) de considérer simplement la première partie de carrière et de se fixer comme objectif une formation adaptée à cette phase.
Cela permettra à l’ENA par exemple de revendiquer les postes d’attachés de défense à partir de titre simplement universitaire ou aux écoles d’ingénieurs de revendiquer les carrières de pilote et d’ingénieur d’essai ou aux inspecteurs des impôts les poste financiers. (de là mon propos sur les piquiers du roi)
Et puis d’aucuns vous diront qu’il n’y aura plus de « grande guerre », on ne peut que le souhaiter il n’est justement pas possible de l’interdire sans défense cohérente.
Ce débat n’est donc pas à placer sur le plan des indices mais simplement sur le plan des performances de notre système de défense.
Pour ma part je pense même que le seuil d’âge mini imposé à l’entrée de l’EMIA est contreproductif en regard des capacités humaines que l’on élimine ainsi de notre système de défense et qu’ensuite aucun CDD ne viendra combler harmonieusement.
Je ferai même le contraire allant jusqu’à offrir l’université à nos soldats blessés pendant leur convalescence qui dure des années parfois, pour conserver au sein de l’appareil de défense à la fois leur réelle expérience du combat (cela ne s’oublie pas) et une solide formation (cela permet de mieux utiliser l’expérience). j’irai aussi jusqu’à offrir aux jeunes officiers sous contrat des années d’université en guise de reconversion pour également pouvoir conserver les plus performants et valoriser ainsi la source du recrutement.
En effet à quoi bon économiser 2000 à 3000 officiers (pris sur la préparation générale des forces) alors que le « mamouth » de l’éducation nationale ne sait pas à 10000 prés combien il a d’enseignants que l’on utilise de nombreux enseignants pour former autant de psychologue qu’il faut en Europe (?) et que l’on gère nos fonctionnaires à 100 000 prés.
On ne prépare pas la guerre en faisant la guerre.
That is the question ?
Faut-il être sot pour avoir l’honneur de porter les armes?
Au siècle de Louis XIV les piquiers avaient la « haute paye » il était alors difficile de recruter des fusilliers sachant que de toute façon on a mis plusieurs décennies pour mettre une bretelle au fusil.
Je pensais bien réveiller la tribu avec ce billet…!
Vos interrogations ne sont pas neuves, pour autant elles ne sont pas sans objet. Je pense qu’on peut être commandant de police ou de pompiers sans un master et un diplôme d’ingénieur. Le débat sur la grille indiciaire est un faux débat: par exemple on peut être LCL d’origine OAEA avec un simple BAC… Sans que la solde et la valeur soient mises en cause.
Mes prochains contacts avec l’IAT et le DRHAT/Ecoles « tourneront », entre autres, autour de ces points.
Question: doit on absolument passer par un diplôme universitaire validé par l’Éducation Nationale pour un métier militaire?
Quand j’ai besoin d’un ingénieur j’aurais plus tendance à aller voir à l’ENSIETA qu’à CYR (que j’irais plutôt consulter pour un problème tactique ou organisationnel).
Le raccrochement à la grille indiciaire des fonctionnaire impose-t-il ce genre de diplôme civil? Ne pouvons nous pas créer des diplômes militaires et les imposer à l’Éducation Nationale? Franchement, de mes deux années de sciences à COET, il ne me reste pas grand chose et leur seule utilité aura été de me permettre de choisir mon arme….
Par contre, une formation militaire alliant à la formation au commandement, de la tactique, de l’histoire militaire, des langues étrangères, de la géopolitique, de l’informatique (pour la NEB…) et de la logistique.
Bref, un diplôme militaire, fait par des militaires pour des militaires (un peu comme le GBC 8KT…)
Le tout imposé au MINEDUCNAT, pour la fameuse grille……adjugé vendu!
Et si on a besoin d’une spécialité quelconque (scientifique, économique), ben comme dans le civil; CDD et activation s’il est bon. Bref, un maitre mot: PRAGMATISME.