Éléments de langage
3 09 2010Pour l’information du Lcl Loïc LETERRIER, concernant l’Epaulette 2010.
À l’attention des plus jeunes et aussi des moins jeunes.
Il est souvent délicat de faire comprendre la place de nos associations d’officiers dans le paysage de l’armée de Terre, d’autant que leurs structures, objectifs et moyens d’action sont mal connus. Ce court texte, dérivé d’une présentation récente faite aux officiers sous contrat en stage aux ESCC (Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan) montre qu’entre la « retape » destinée à financer une association de « vieux », le « militantisme de retraité »[1], voire « l’archéo-syndicalisme » (j’ai été gratifié de cette définition valorisante!) –visions assez largement répandues de notre rôle- il existe une juste voie.
Pourquoi des associations ?
Je prendrai un exemple médiéval. En évoquant le spirituel et le temporel on parlait alors du pouvoir du prêtre et du prince. Pour donner à cette image modernité et neutralité et la situer dans notre zone d’intérêt, parlons de l’opérationnel et du fonctionnel.
L’opérationnel
Notre vocation d’officier, notre désir et notre volonté de servir, notre abnégation le moment venu, notre discipline intellectuelle, notre respect de l’autre jusque dans la confrontation constituent la noblesse de notre engagement. Si on parle parfois de vocation, le terme n’est pas anodin. Nous évoluons là dans le domaine du CHOISI, de l’ACCEPTÉ, de l’ASSUMÉ. C’est notre raison d’être, notre MÉTIER d’OFFICIER. Nous l’avons exercé, l’exerçons, ou vous l’exercerez demain sous les ordres d’un chef militaire, capitaine, commandant, colonel dans une unité, un service. Ici, nos associations interviennent peu (tradition, cohésion, promotion et protection de l’image de l’officier ou de notre Défense) ou dans des conditions toujours éprouvantes (soutien des adhérents et de leur famille dans les épreuves)
Le fonctionnel
Mais vous comme moi ne sommes pas de purs esprits et évoluons dans un monde éminemment matériel, fait de statuts, de règles, de procédures et soumis à des impératifs et contraintes, par exemple ceux des politiques publiques, qui nous semblent, et malheureusement sont le plus souvent, hors de notre champ d’influence traditionnel.
Ce cadre est toujours prégnant quand il n’est pas menaçant (RGPP, LOLF, Livre blanc…), d’autant qu’intellectuellement et réglementairement nous ne sommes pas bien outillés pour en contester le tracé. Notre vision idéalisée du chef militaire opérationnel à qui l’on confie sa vie, nous conduit à en projeter la toute puissance dans la vie quotidienne.
Malheureusement, le prêtre et le prince n’ont ni les mêmes objectifs ni les mêmes pouvoirs.
Replaçons nous un rapide instant dans la réalité non virtuelle de la France : une dette publique que vous connaissez, les agences de notation, très citées cet été, qui mettent la pression sur les Etats : la Grèce, l’Espagne qui demain ? Mais aussi réalité de la Défense d’aujourd’hui et plus particulièrement de l’armée de Terre avec ses 72% de contractuels, par définition vulnérables aux exigences des maquettes et donc des budgets. Qui oserait parler d’un « Long fleuve tranquille » ? Ces pressions inévitables poussent à un « réalisme » à court terme que guide le tempo de la politique. Ce pragmatisme de circonstance conduit, par exemple, les gestionnaires à fixer comme un des fils directeurs de leur politique : « Maintenir l’attractivité du recrutement direct », dont une des conséquences est aussi, et paradoxalement, « l’outplacement »[2] (voir article du 28/07/2010).
De là découlent pour « nos origines » des parcours professionnels, malheureusement de plus en plus « lisibles », ou les profils de carrière et ceux qui les rejoignent pourraient demain constituer de simples cales de l’édifice au lieu d’en être des pierres d’angle.
N’y voyez aucune amertume ou résignation. Cette situation n’est pas inédite, mais elle est peut être nouvelle par les risques qu’elle fait courir au corps des officiers et à sa cohésion.
Qui peut interpeller le prince ?
Quatre interlocuteurs se complètent car ils sont réglementaires ou disposent d’une légitimité :
- Le président des officiers (PO),
- Le chef hiérarchique (ne l’oubliez surtout pas !),
- Le CFMT et le CSFM,
- Les associations reconnues et influentes.
On peut y ajouter, mais là on est déjà dans le conflit : la commission des recours et l’IGAT.
Chacun a ses forces et ses limites, ils sont placés ici dans l’ordre croissant de liberté de ton et de niveau d’intervention. N’oubliez pas, ou retenez, que deux d’entre eux seulement ont vocation à intervenir spécifiquement sur des problèmes catégoriels : le PO et les associations. Pour le PO, son poids dépend de ses qualités personnelles, de sa détermination et de la place que lui accorde le « chef ». Pour les associations, les mêmes critères s’appliquent -si on comprend « la place que lui donne le chef » comme l’écoute apportée par le CEMAT (dans le cas de l’armée de Terre) et le Ministre- auxquels s’ajoutent cependant le nombre d’adhérents, dont surtout celui d’active, et leur engagement résolu.
Cet éclairage ne représente pas la « Loi », mais par fonction et pour l’instant, je consacre peut-être un peu plus de temps que vous à la réflexion sur les buts et objectifs de l’Épaulette. De plus je suis conduit à confronter ma « communication » aux réalités du terrain lors de mes déplacements. Aussi ces repères sont autant destinés à susciter la réflexion de chacun qu’à aider ceux et celles qui, exerçant des responsabilités particulières dans notre association, cherchent parfois un fil directeur à leurs interventions. (JFD)
[1]En oubliant un peu vite que pendant la période d’activité (et même après elle, en fonction de son statut: réserve, 2e section), un devoir de réserve borde nos possibilités d’expression sur des problèmes tant opérationnels que fonctionnels. On ne peut pas non plus « mettre ses galons sur la table » à tout bout de champ… Solution très déconseillée en ce moment!
[2]On augmente le nombre de postes « attractifs » ou, à volume de postes constant, on réduit la population susceptible de les atteindre.
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